19.09.2010

LA RESTAURATION A HAUTS RISQUES

 

Les institutions sociales publiques qui se lézardent, l’école, les transports en communs, la protection sociale l’hôpital public sont les institutions républicaines de l’égalité, et celles qui tendent à se rétablir sont celles de la vieille démocratie des propriétaires. Le système des classes dans les transports en était l’expression la plus visible.

A peine la dernière réforme se met en place, que de nouvelles failles menacent l’école ou la sécu.

 

Deux classes dans le métro, trois dans le train, et même quatre sur le bateau: c’est-ce qui restait, dans les années 60, des classes sociales de la période précédent le new deal, les trente glorieuses. C’était le bon temps, quand le travail n’était pas trop cher. La classe moyenne supérieure n’ose pas l’affirmer ouvertement, mais ce retour « à la normale » qui s’opère, sous couvert d’un « simple » développement des inégalités, lui plait.

Les crises financières et économiques à répétition accélère le mouvement et l’écrasement des pauvres prend une tournure criminelle. Il ne restera bientôt plus rien des acquis égalitaires des républiques et des démocraties.  Les rapports entre le nord riche et le sud de l’Europe pauvre vont-ils s’aggraver?

 

Les bénéficiaires de la fracture sociale et de la ségrégation préfèrent se voiler la face, et vilipender l’impéritie des dirigeants, des services publics, la protection sociale qui développerait un assistanat généralisé, et bien sûr l’école, seule responsable de la baisse du « niveau » .

C’est évidemment le contraire qui est vrai, et le fonctionnement de ces services est gravement compromis par une résurgence des classes sociales jamais vue depuis les années 30.

Une des mesures efficaces pour diminuer la pollution et la pression de la voiture dans les agglomérations consisterait, peut être,  à rétablir la 1° classe dans les transports en commun. Enfin une vraie incitation à ne pas prendre la voiture.

 

UN PHENOMENE MONDIAL sur plusieurs décades,

 

La hache de guerre est déterrée vers la fin des années 70; un leitmotiv s’élèvent des milieux du grand patronat: « la paix sociale coûte trop cher ». Il s’en suit une vague de restructurations, de licenciements et d’économies sur le dos des salariés, ainsi qu’une campagne contre les charges insupportables qui pèsent sur les entreprises. Les économies réalisées vont dans les poches du patron et de ses proches; cela provoque un mécontentement croissant des actionnaires, lesquels vont imposer une nouvelle gouvernance plus transparente. Les marchés organisent une nouvelle course à la productivité afin de mieux rémunérer les actionnaires. Les conséquences seront plus douloureuses pour les salariés.

C’est très logiquement, et d’une façon prévisible, que la crise de 2008 s’ouvre dans l secteur du logement des populations précarisés. Les hypothèques automatiques liées à des défaillances de plus en plus nombreuses des emprunteurs de crédits subprime provoquent un effondrement des marchés. S’il y a une particularité américaine dans cette affaire, le problème de fond, la précarisation, est en réalité mondial.

 

« Entre 1960 et 2000, la part du revenu mondial qui va aux 20 % les plus riches de la population est passée de 70 % à 90 %. Celle qui va aux 20 % les plus pauvres abaissé de 2,3 % à 1 % (1). Les deux dernières décennies du XXe siècle ont été marquées par un renversement des tendances à l’égalisation des revenus et des conditions de vie, liées aux dispositifs de l’État social. En France, la part du revenu national accaparée par les 10% les plus riches avait régressé jusqu’en 1982. Depuis, elle n’a pratiquement pas cessé d’augmenter. Ce sont surtout les très hauts revenus qui ont augmenté, tandis que les minima sociaux voyaient leur niveau relatif décrocher. Tout se passe donc comme si la période néolibérale avait conduit à un accaparement par une infime partie de la population de l’essentiel des nouvelles ressources dégagées par la croissance. » (MARSIDEE.COM, 8.10.2009)

Les éternels optimistes qui annoncent la sortie de crise lors de chaque frémissement boursier évoquent une « impression d’appauvrissement »; s’il est vrai, notamment en France, que la protection sociale a limité l’accroissement de la pauvreté, il est patent que la part de la richesse attribuée aux pauvres est en constante diminution depuis près de trente ans. Le débat sur les impressions avait déjà été lancé concernant les hausses de prix; c’était en fait, l’indice des prix basé sur une moyenne niveleuse qui donnait l’impression d’une certaine stabilité. L’étude des budget les plus modestes montrait qu’ils subissaient plus fortement les hausses les plus fortes, énergie, logement et que leur niveau de vie baissait. En matière de pauvreté comme en matière de froid, on perçoit surtout les différence. Nos optimistes doivent se promener le nez en l’air, pour ne pas voir les SDF et les mendiants.

 

« Un Américain sur sept, soit 43,6 millions de personnes, était concerné l'an dernier. Ils étaient 39,8 millions l'année précédente. L'enquête, qui fait état de difficultés croissantes et de baisse des revenus, apporte de l'eau au moulin de l'opposition républicaine, à l'approche des élections de mi-mandat, le 2 novembre. »(Express, 17.9.2010)

 

En France, la précarisation:

 

« En 2002, un peu moins de cinq millions de personnes exerçaient un emploi non

qualifié : 2 760 000 comme employés et 2 035 000 comme ouvriers. Loin de disparaître

avec la désindustrialisation, l’emploi non qualifié a connu un regain depuis le milieu des

années 1990. Il représente aujourd’hui un emploi sur cinq.

L’analyse de données d’enquête confi rme l’ouvriérisation d’une partie de ces emplois,

jusqu’à présent principalement mise en évidence par l’observation sociologique. Avec

leurs salaires, conditions d’emploi et de travail, les ouvriers et employés non qualifiés

constituent un segment de main-d’oeuvre à part. Ils ne semblent pas pour autant définir

une classe sociale : fragilisés dans leurs modalités d’intégration professionnelle, déstabilisés

dans leur imaginaire social, ces salariés se caractérisent par un faible sentiment

d’appartenir à une classe sociale. »

 

(Thomas Amossé et Olivier Chardon Insee.fr)

 

 

 

GUERRE DE CLASSE ET MARCHES FINANCIERS

 

« Il y a une guerre des classes, c’est un fait, a-t-il expliqué. Mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner. » Après avoir croisé très au large de la bulle des « n’importequoi.com » durant les années 1990, le milliardaire (Waren Buffet) s’est tenu à l’écart des marchés de produits dérivés. En 2002, il qualifie ces instruments financiers d’« armes de destruction massive » dans une lettre adressée aux actionnaires de son fonds, Berkshire Hathaway.

Depuis le milieu des années 1990, M. Soros fustige les « excès » du capitalisme et conteste la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine qui favorise le gonflement des bulles en ouvrant les vannes du crédit. Lui défend la libre entreprise et la démocratie ouverte : à travers son Open Society Institute et sa Fondation Soros, il aurait déboursé jusqu’à 2 milliards de dollars pour financer ses projets « philanthropiques », notamment en Europe de l’Est (les « révolutions colorées ») et en Asie centrale. Les marchés financiers ont besoin de règles, répète ce spéculateur qui voulait être philosophe. Ni l’économie ni la finance ne constituent à ses yeux des sciences exactes.

Désireux d’empêcher les emballements du système financier, MM. Buffett et Soros récusent toute idée de rupture. Rien ne sert d’évoquer devant le premier la nécessité de corseter les marchés par une réglementation sévère. Pour lui, Main Street (l’économie réelle) ne peut fonctionner sans Wall Street (les marchés financiers), et inversement. De même évite-t-il de se prononcer sur les dégâts infligés par la mondialisation à l’industrie de son pays.

Monsieur Soros ne renie en rien ses opérations spéculatives, notamment celle qui lui rapporta 1 milliard de dollars à l’issue d’un pari sur la baisse de la livre sterling en 1992. Créateur de l’un des premiers hedge funds, il se montre d’autant moins disert sur le rôle néfaste des paradis fiscaux qu’il domicilie l’un de ses fonds à Curaçao.

Au fond, MM. Buffett et Soros actualisent dans l’univers de la finance les figures des Carnegie et Rockefeller, « barons voleurs » qui, au début du XXe siècle, éprouvèrent eux aussi le besoin d’acheter leur respectabilité par la philanthropie. Comme d’autres Importants achetaient jadis leurs « indulgences » à l’Eglise.

Par Akram Belkaïd.Le Monde diplomatique 11/2008

Transmis par Linsay

 

 

D’OÙ VIENT LA PASSION DE DETRUIRE?

 

« … la présentation de ces "potlatch " nord-américains ou les dons et contre-dons tournent à la destruction massive et violente de biens, annonçant que l'on est passé d'une simple expression de solidarité entre les tribus…à la remise en cause de la hiérarchie des chefs. » (Introduction aux institutions sociales)

Faire des sacrifices pour mieux tuer le roi est une pratique commune aux jeux ludiques et aux jeux financiers. Les comptes seront réglés lors du partage des dépouilles. Ce qui a changé depuis l’antique don-contre don, c’est la séparation des acteurs et la liberté de se séparer au moindre coût.

Mais, qui sifflera la fin du « jeu destructif »?

 

 

 

MUTATIONS, CONFLITS DE POUVOIR ET DESORDRES DANS LES INSTITUTIONS

 

Nous pouvons examiner les institutions, comme l’entomologiste observe ses insectes, mais les résultats seront sinon décevants, du moins plus limités. Si l’enjeu est d’observer et de qualifier les rapports entre l’homme et la société, les évolutions concrètes des rapport sociaux, nous devons être capable de repérer quelle type d’institution est aux commande dans telle situation, si de nouvelles institutions émergent tandis que d’autres s’effondrent. Nous assistons depuis la mise en œuvre de l’Uruguay round (à l’origine du Gatt puis de l’OMC) à une perte importante de la force des institutions organiques liée à la crise des états nationaux et des droits. Les nouvelles institutions numériques de la société de l’information et de la finance, d’emblée mondiales, surplombent et dominent institutions nationales.

Dans certains endroits, l’état de droit s’effondre; que se passe-t-il alors?

Le retour d’anciennes institutions mécaniques, familiales et communautaires, ou l’émergence de nouveaux réseaux sociaux sur internet.. Ou l’anarchie pure et simple.

Sans doute les trois situations, mais pas au même endroit; le scénario ne sera pas le même dans les banlieues et chez les « bobos » parisiens.

 

L’école, les transports en communs, la protection sociale l’hôpital public sont les institutions républicaines de l’égalité, et celles qui tendent à se rétablir sont celles de la vieille démocratie des propriétaires.

Une restauration est toujours un échec, en tout cas au regard des nostalgiques qui l’ont rêvée; il est bien difficile d’imaginer la restauration de la société de la fin du XIX° siècle au sein de la société de l’information. Que dirait Malthus d’un monde de 6 milliards d’habitants, presque intégralement sous la domination du capitalisme?

Pas tout à fait intégralement…

 

LES NON-ZONES, DROGUE, RACKET, ARMES, ETC…

 

Ruffin a eu une belle intuition quand il a décrit les « non-zones » de Globalia

 

Certes, Globalia ressemble plus, aujourd’hui, à Multipolia avec un parfum de fin d’empire, et des pestilences de haine et de guerre. Mais le travail de destruction, de transformation du rez-de-chaussée du monde dévasté en « non-zones » est finement décrit ; les débris d’anciennes tribus côtoient les néotribus des « Déchus » en pratiquant l’évitement, le plus souvent ; le rôle de maîtres des non- zones est laissé à des maffias, en échanges de discrets services rendus à Globalia, et ce entre deux interventions militaro-humanitaires.

Le rez de chaussée du monde commence à ressembler réellement à la fiction. Nombre d’observateurs relèvent les augmentations impressionnantes des trafics de drogues, d’armes, d’humains, hommes femmes enfants. Dans ces conditions, les mouvements de libération semblent se transformer inéluctablement en maffias. Aucune solution économique ou répressive locale n’est efficace. Dans ces régions les « moteurs de la guerre » semble être en auto-allumage, cette étrange panne qui empêche d’arrêter le moteur, et qui, au contraire, l’emballe. Dans ces conditions, le droit d’ingérence allume plus de feux qu’il n’en éteint. (IS, domination et disqualification)

 

BANLIEUES, DES NON-ZONES AUX PORTES DES VILLES

 

L’affaiblissement de la République est plus fort que celui des autres démocraties libérales, lesquelles sont moins égalitaires. En France, la restauration éclate littéralement les services publiques égalitaires. Cet affaissement républicain est à l’origine de la transformation des banlieues en non-zones.

La violence de ces jeunes de banlieue « qui ne parlent plus à la France » (« la France » leur rend bien..) s’exacerbe; les bandes souvent structurées par des gangs vendant de la drogue et des armes, n’hésitent plus à tirer avec des armes de guerre et visent la police. Les dealers sont les premiers à profiter de la « libération » du territoire.

 

LA SUCETTE

Dans un quartier black particulièrement chaud des Etats-Unis dont plusieurs habitants avaient connus le destin des condamnés à mort vivait un garçon à la démarche ondulante avec une éternelle sucette à la bouche ; devant la chaise électrique, La Sucette prononça en souriant sa phrase historique : « la sucette va fondre tout d’un coup ». Ainsi est née une star des durs.(rapporté par Erwin Goffman)

Deux remarques s’imposent : d’une part mesurons le bouleversement de notre constitution qui serait opéré par une orientation ultra répressive : enfin, il y a suffisamment de recruteurs dans les eaux du terrorisme, sur notre territoire, prêts à embaucher les plus durs ; cela devrait nous conduire à affiner notre raisonnement.

 

Ms Sarkosy, Hortefeu, devrait lire l’histoire de la Sucette afin de calmer leur démangeaisons ultra sécuritaires.

 

MALTHUS, DARWIN, LES FAINEANTS ET LES BOULETS

 

« En conséquence, Spencer pense que toute protection artificielle des faibles est un handicap pour le groupe social auquel ils appartiennent, dans la mesure où cette protection a pour effet d'alourdir le fonctionnement du groupe et, donc, de le mettre en position d'infériorité face aux groupes sociaux rivaux.
Le darwinisme social est politiquement utilisé par le libéralisme classique, conservateur, pour justifier de la non-intervention de l'Etat dans le domaine économique et social, intervention qui est considérée comme étant handicapante pour la Société capitaliste. »

NOUVELOBS.COM | 04.10.2007

 La guerre économique renforce la croyance social-darwiniste, et aggrave les déséquilibres écologiques et sociaux

 

 

IDEOLOGIES, ULTRALIBERALISME ET INSTITUTIONS

 

Le débat sur la fin des idéologies battait encore son plein lorsque la petite musique écologique s’enfla rapidement jusqu’à imposer son tempo à la politique et à l’économie.

Le débat sur le réchauffement climatique et sur l’épuisement progressif des énergies fossiles ont joué un rôle décisif. Les économies occidentales, jusqu’alors prudemment écologistes, découvrirent rapidement une opportunité favorable à la diminution de leur dépendance énergétique. L’ultralibéralisme annonçaient une économie verte, des produits verts.

Ce que Fukuyama appelait la fin des idéologies annonçait en fait l’hégémonie de l’ultralibéralisme. Tous les secteurs de la pensée étaient envahis par l’individualisme, l’utilitarisme, le social-darwinisme, le malthusianisme.

Pourtant, Teilhard de Chardin avait démontré le caractère fallacieux d’une application mécaniques des lois de l’évolution à cet animal pensant et cultivé, très particulier qu’est l’homme.

Le socialdarwinisme repose sur un énorme mensonge, car, en réalité, les individus sont complètement démunis face aux crises financières, économiques sociales et écologiques, tant qu‘on les examine sans prendre en compte le capital social et culturel..

Seuls une forte culture, des liens sociaux renforcées et des institutions ad hoc peuvent permettre à l’homme de s’adapter, et ce, comme l’enseigne l’histoire réelle des hommes depuis des millénaires. Sur la question des rapport entre l’homme et la terre, l’utilitarisme a rencontré ses limites.

 

L’INDISPENSABLE OFFENSIVE CULTURELLE

 

 Quelques expériences montrent qu’une offensive culturaliste bien menée autour d’une théorie des institutions, est en mesure de remettre à sa juste place une théorie raciale, voire raciste de l’évolution.

 

 

 

Sur une lignée Durkheim-Mauss Mary Douglas la pensée culturaliste s’est renouvelée et le projet d’une théorie des institutions à germé, au-delà du cadre étroit de l’économie (cf Institutions sociales, Pour une théorie des institutions). Mary Douglas a sorti la réflexion sur les institutions du carcan collectiviste qui pesait encore sur la pensée de Durkheim en redonnant à l’individu sa juste place dans l’émergence des institutions.

 Le grand penseur chrétien Teilhard de Chardin avait pressenti le rôle particulier de l’homme dans le monde du vivant. L’homme avait il surmonté les rigides lois de l’évolution grâce à la culture et au lien social ? Oui, il existait bel et bien une puissante force sociale, collective en matière d’adaptation. La force de Chardin, au-delà de sa grande ouverture d’esprit et de sa sensibilité écologique, résidait dans le lien permanent qu’il entretenait entre le socle collectif culturel et l’émergence des personnes; annonçait le personnalisme des chrétiens de progrès, qui avaient rompu avec le créationnisme. Par là, la gauche chrétienne dominait le mécanisme primaire de la gauche marxisante.

 

PERSONNALISME ET CONSCIENCE

" Le besoin impératif de réductionnisme et de matérialisme provient, je crois, de l'erreur sous-jacente que voici : on suppose que si l'on reconnaît à la conscience une existence réelle qui lui soit propre, cela revient en quelque sorte à accepter le dualisme et à rejeter la conception scientifique du monde. S'il y a bien un thème qui revient tout au long de ce livre, c'est celui-ci : la conscience est un phénomène biologique naturel. "
" Ce qui nous empêche de voir le caractère biologique naturel de la conscience et d'autres phénomènes mentaux, c'
est notre tradition philosophique, qui fait du " mental " et du " physique " deux catégories mutuellement exclusives. Pour en sortir, il faut rejeter et le dualisme et le matérialismes, et admettre que la conscience est simultanément, un phénomène mental subjectif et, en même temps, une partie naturelle du monde physique ". Les états mentaux sont qualitatifs, au sens où à n'importe quel état conscient, tel que sentir une douleur ou se soucier de la situation économique, correspond quelque chose comme le fait de se sentir qualitativement dans cet état, et ils sont subjectifs, au sens où ils n'existe que lorsque tel humain ou tel autre sorte de " sujet " en fait l'expérience. " (J.R. Searle Le mystère de la conscience)

 

PERSONNES ET INSTITUTIONS

 

En bas du rez de chaussée vous trouverez les hommes particularistes fermés ; ces gens serrent leur arme dès qu'ils voient un étranger. En haut du rez de chaussée et dans une partie du 1°étage vous rencontrez l'homme particulariste ouvert ; il a un avantage sur l'aptitude au bonheur, il chante encore. En haut du premier étage et dans une partie du second vous trouvez l'universaliste modéré ; il a un avantage avec une bonne capacité à objectiver ; il ne chante plus ou peut mais prend du plaisir à écouter chanter les particularistes modérés. Au sommet du deuxième étage trônent les universalistes intégristes ; ils passent leur temps à tout objectiver, y compris les personnes et remplacent le bonheur par des utilités ; les malheureux étant fabriqués, on les activent avec des méthodes proches de l'élevage en batterie géré électroniquement.

 

 

NORTH, L’ECONOMIE INSTITUTIONNELLE

 

« Nous avons ainsi montré que les derniers travaux de North sont largement complémentaires des recherches antérieures. Ils ouvrent la perspective d’une opérationnalisation des changements institutionnels intégrant une vision plus réaliste de la réalité économique.

Ces apports analytiques, toutefois, restent largement à compléter et à opérationnaliser systématiquement dans deux directions : empiriquement par des études portant sur les modalités précises du changement des croyances partagées ; analytiquement, enfin, par la combinaison des niveaux d’analyses distingués par North. »

La prise en compte des idéologies

Didier Chabaud [*] Claude Parthenay [**]

 

La crise économique a clairement montré les grandes limites d’une vision micro-économique de la régulation. La coordination mondiale et le plan anti-crash ont imposé dans l’urgence la plus puissante intervention macro-économique de tous les temps. Mais les nouvelles institutions régulatrices ont du mal à s’imposer et une ténébreuse opacité bancaire masque une part de la réalité financière. Goldman Sachs est l’exemple le plus évident d’un art de la dissimulation permanente.

 

« LA SOCIETE N’EXISTE PAS »

 

Friedman partage cet axiome ultra libéral avec Mme Thatcher et M Reagan:

« Les grandes avancées de la civilisation, que ce soit dans l'architecture ou dans la peinture, la science ou la littérature, l'industrie ou l'agriculture, ne sont jamais nées de l'intervention d'un gouvernement centralisé. »

Milton Friedman, 1962

L’idée que l’ensemble de ces inventions vont constituer, dès qu’elles s’institutionnalisent, un cadre social, un bain culturel, une formation collective, échappe totalement à M.Friedman, ce qui démontre une méconnaissance des institutions, typique de l’économie néolibérale.

Les économètres modélisateurs d’aujourd’hui simulent les « conduites » et les interactions d’individus théoriques, sans sexe, sans âge, sans origine. Après une longue introduction mathématique sur les jeux, la décision, et éventuellement le chaos, ces savants nous suggèrent que leurs pions théoriques simuleraient génialement l’émergence des institutions, sur le mode innovateurs-suiveurs des habitus. Les innovateurs pourraient tout inventer -magiquement -  sous le voile d’ignorance, l’électricité avant le feu, la charrue avant les bœufs. Il n’est pas inutile de rappeler qu’avant l’illumination individuelle de l’inventeur, il y a l’intense communication des communautés universelles de savants, certes en avance sur l’air et la culture de leur temps, mais également dans leur temps; il n’est pas rare qu’il y ait deux co-inventeurs en même temps, même si l’histoire ne reconnait qu’un nom. Si la création est un acte individuel, le créateur et son institution replonge dans le combat social pour imposer la place de la nouveauté, en détruisant le cas échéant l’ancienne institution.

 

Milton Friedman ciblait particulièrement l’état central, alors que Mme Thatcher s’en prenait aux institutions sociales de l’Etat-Providence et au syndicalisme; son discours aux mineurs anglais pouvait se résumer à quelques mots: « démerdez vous! »

 

 

Les ultralibéraux sont aujourd’hui, clairement, pour les états; ils ont même un goût de plus en plus prononcé pour les états forts.

Cette conversion à l’état fort les éloignent considérablement des  vrais libéraux, lesquels sont bien près de la mort cérébrale. C’en est fini du laisser-faire et du dépérissement de l’état; c’est vrai pour le libéralisme économique plutôt à droite, et pour le libéralisme politique plutôt à gauche.

Les ultralibéraux ne conçoivent que l’état régalien; c’est avec ferveur qu’ils démantèlent l’état social. Que les gens de même condition s’entre-assurent, et tant pis pour les mal nés et les accidentés de la vie. Le premier argument affirme l’inefficacité patente du social; c’est dépenser de l’argent pure perte que d’entreprendre de réparer ces irréparables. Le second argument est social-darwinien; traîner ces boulets constitue un délit d’entrave aux lois d l’évolution. L’idéologie nauséabonde qui soutient ces discours est un malthusianisme pseudo écologique d’extrême droite.

. En tant que responsables du développement des nouvelles classes dangereuses, les ultralibéraux préfèrent privilégier la sécurité des propriétaires, au détriment des autres fonctions. Le développement de l’insécurité qu’ils ont engendrée, ne leur pose toujours pas de problème dans la mesure où le gouvernement de la peur fonctionne et continue d’être une bonne affaire.

 

 

L’état doit-il défendre le domaine public? La réponse ultralibérale n’est pas assurée. La privatisation des autoroutes n’a guère posé de problème; Mais il en va différemment concernant les infrastructures ferroviaires et les grands travaux comme le tunnel sous la Manche lesquels ne sont pas amortissables par les entreprises privées.

 

Les ultralibéraux n’osent pas répondre directement aux questions posées par le domaine public de la connaissance, composé d’institutions engendrées par des créateurs individuels. Le maintien de droits d’auteurs, d’inventeurs, à des héritiers lointains poserait nombre de problèmes au monde des affaires.

 Au-delà de l’état il convient de parler des institutions publiques, mondialisation oblige; la garantie de l’accès libre et gratuit au domaine public de la connaissance sur le net ne peut être assurée que par une institution publique ad hoc. Le risque principal est que caractère gratuit du domaine public soit maintenu, mais que sa mise à disposition soit transformé en service payant.

 

UNE ALLERGIE AUX INTERVENTIONS PUBLIQUES, MEME EN CAS D’URGENCE

« Tout est parti de la récession aux Etats-Unis et de la proposition par le Président Obama d’un vaste plan de relance budgétaire de 825 milliards de dollars, qui devrait faire atteindre au déficit public les 11 % du PIB. Certains économistes, comme Paul Krugman, soutiennent l’idée mais jugent l’effort trop insuffisant pour rétablir de manière significative la situation de l’emploi et réclament un effort plus important. D’autres, comme Gregory Mankiw, conteste l’idée même d’une efficacité d’un plan de relance fondé en grande partie (les deux tiers) sur un fort accroissement des dépenses publiques.
Ce qui aurait pu rester une discussion de spécialistes a tourné aigre. Après que le débat soit monté à mots couverts autour des positions de Mankiw, celui-ci a finalement fait l’objet d’attaques plus directes de la part de
Krugman : « Et puis vous avez Greg Mankiw – et bien, je ne sais pas ce que Greg pense réellement, il semble juste être d’accord avec toute personne qui s’oppose à la relance, quelle que soit la qualité de ses arguments. Inutile de mentionner que tous ceux que j’ai cités sont politiquement des conservateurs. C’est leur droit : les économistes sont aussi des citoyens. Mais il est difficile d’éviter la conclusion selon laquelle c’est sur un base politique que tous ont décidé de refuser une relance budgétaire fondée sur des dépenses publiques ».
(Alternative économique, C.Chavagne)

 

 

COMMENT L’ECOLOGIE CHANGE, ET VA PEUT-ËTRE CHANGER PROFONDEMENT L’ECONOMIE ?

 

Nos sociétés ont commencé à basculer en faveur de l’écologie, mais l’idéologie qui travaille les consciences écologistes est encore imprécise et divisée. C’est autour du réchauffement climatique, constat porté par un consensus, relatif d’experts, que la conscience écologique s’est imposée. Avant ce tournant décisif, les choses étaient relativement simples: une écologie politique,classée à gauche, et une écologie apolitique classée à droite, se disputaient sur l’interprétation des données de l’écologie scientifique.

L’écologie est une idéologie complexe dont les racines plongent dans des institutions profondes très anciennes, comme les classifications initiales du pur et de l’impur, du propre et du sale (Cf , De la souillure, Mary Douglas); et aussi, la relation de l’homme avec son environnement planétaire global. La thèse de l’écologique scientifique, soutenant l’impossibilité pour le scientifique de s’extraire complètement de son sujet d’étude; malgré les précautions de la méthode expérimentale, les faits et objets étudiés subissent, dans une certaines mesure, l’influence de l’expérimentateur. Ces institutions profondes sous-jacentes, ont structuré, il y a bien longtemps la pensée magique et religieuse.

La société industrielle productiviste a été sérieusement ébranlée par les accusations sur la pollution, la souillure de la planète.

 

Aujourd’hui, succès oblige, les états et les partie traditionnels considère que l’écologie est une chose trop sérieuse pour être confiée aux écologistes. Autour du sommet de Copenhague, c’est le monde qui se divise en trois camps, les pays riches, les pays émergents, et les pays pauvres. Enfin, la force de récupération capitaliste entre en action: c’est la nouvelle économie verte qui décidera de ce qui est « écolo » et ce qui ne l’est pas. Ce qui fait pas mal de conceptions et de forces en présence. Sans oublier la petite musique du doute - les experts ont trafiqué les graphiques démontrant le réchauffement climatique - laquelle s’amplifie d’un coup grâce au soutien du lobby pétrolier.

 

Mais, où en sont les perspective de développement de l’économie verte: écoutons les allemands, en avance sur ce plan:

« Le conseil en entreprise Roland Berger estime à un billion d’euros le chiffre d’affaires qui sera atteint en 2030 dans le domaine des techniques environnementales. L’association des ingénieurs allemands VDI parle même d’un miracle sur le marché de l’emploi et d’un boom économique de l’écologie. Et l’agence de presse allemande dpa indique en guise de résumé : «Les entreprises relevant des énergies renouvelables comptent parmi les gagnants du changement climatique et les chouchous de la bourse.» Elle prédit la même chose aux sociétés qui proposent des technologies environnementales pour l’épuration des effluents gazeux, pour le refroidissement ou pour l’épuration de l’eau. Les entreprises du bâtiment profiteraient elles-aussi de températures clémentes, puisque les arrêts de chantier en hiver viendraient à disparaître. Même l’agriculture peut trouver son compte dans le changement climatique, estime Karsten Brandt, météorologue et économiste, en précisant à l’agence : «Les agriculteurs doivent s’adapter et remplacer par exemple le blé par du maïs.»

(Goethe institut, Christine Sommer Guist)

 

Sans vouloir jouer les trouble-fête, il convient tout de même de préciser que ce qui est possible avec un baril de pétrole à 150 dollars, ne l’est pas forcément avec le même baril à 75 dollar.

 

D’une façon simpliste et laconique un schéma s’impose: mal bouffe et voiture sale pour les pauvres, produit bio et voiture verte pour les riches. La planète propre n’est pas pour demain, si l’on réduit l’écologie au développement des « produits verts« .

 

 

 

QUAND LE LIBERALISME MONETARISTE OCCIDENTAL ET LE CAPITALISME DESPOTIQUE ASIATIQUE SE REJOIGNENT

 

Le libéralisme social d’Amartya Sen semble avoir, durablement, perdu pied face à ce déferlement autoritaire. Lee Kuan Yew a gagné et l’ultralibéralisme occidental en pleine dérive sécuritaire, le suit tout en réaffirmant ses valeurs sans véritable conviction.

 

LE JEU PERDANT-PERDANT DES RESTAURATEURS

 

A peine remise de la tourmente des subprimes, la finance, ces parlements des riches que sont les places financières font trembler les états par une spéculation très organisée sur les marchés obligataires.

La spéculation généralisée « dans le yoyo » a pour conséquence la perte de référence objective basée sur des fondamentaux. La passion de détruire s’aiguise avec le sentiment, et la réalité d’une guerre économique de plus en plus chaude. Il faut oser perdre pour participer au festin du partage des dépouilles; et peu importe si le gâteau diminue globalement. Mais encore faut il que la course ne se termine pas dans le fossé, comme dans la parabole des aveugles, ou dans la course au ravin des moutons de Panurge.

 

Les restaurateurs ne voient toujours pas la forme que prendra la société restaurée; les chambre de bonnes sont encore transformées en appartements minables. Il s’ébauche une nouvelles domesticité organisés par des sociétés de services, des associations, de l’intérim, mais les bases de cette réorganisation sont sapées par le travail au noir et clandestin. L’idée est bien d’obtenir son service domestique comme on commande sa pizza, mais la réalisation de cette domesticité téfal, qui n’attache pas, est lente.

Les restaurateurs se font pas mal d’illusion sur un boom du luxe grâce à l’arrivée des nouveaux riches émergeant.

Les observateurs de l’économie et de la fiscalité savent que les grandes rivières d’argent sont alimentées par les grandes multitudes, et que les nouveaux riches ne formeront jamais qu’un ruisseau. Or, du côté des grandes multitudes, le moral n’est pas là.

Le but de la société de service est de transformer le secteur des services en un quasi-marché et les prestations de services en quasi-marchandises. Il est pratiquement impossible de cerner, de définir, de maîtriser l’hétérogénéité de ce vaste secteur comprenant beaucoup de travail peu qualifié dans le domaine des déchets ou du domestique, des services qualifiés dans la santé, et du High-tech dans le software. Le consommateur est souvent incapable d’apprécier la « marchandise » plus particulièrement quand le service est long. Un nouveau service propose des petits dossiers, facture de restaurant, billets de transport ou tickets de péage, ou autre, permettant de cacher un adultère: quasi-marchandise ou escroquerie?

Un tel secteur peut générer un nombre incalculable de bulles financières. Il constitue également, sur la base de l’expérience américaine une source d’exaspération des consommateurs.

 

Mauvais moral du consommateur et retrait partiel de la consommation des pauvres précarisés, sont la source possible de nouvelles crises ajoutant une nouvelle destruction à la destruction.

 

L’idée de la restauration de la structure sociale de la société capitaliste d’avant la crise de 1929 paraît proprement insensée quand on mesure le chemin parcouru et le développent, les richesses accumulées, pour aboutir à la société post Welfare.

 

L’idée d’ouvrir les frontières, progressivement et de façon mesurée avait plus de sens, et même un air de justice; il était juste et bon pour l’économie d’ouvrir des portes dans les murailles d’argent qui séparaient l’occident du tiers et du quart monde. La guerre contre les pauvres d’occident, le goût de la revanche, grandement favorisée par l’implosion du communisme soviétique, a tout perverti.

 

LES STRATEGIES DEFENSIVES AUTOUR DES ACQUIS RASSEMBLANT UNE CLASSE MOYENNE CENTRALE SONT EN ECHEC

 

La classe moyenne a éclaté ; une classe moyenne inférieure est gouvernée par la peur, peur de sombrer dans la précarité et l’exclusion; cette peur est malheureusement fondée, de nombreux salariés surtout des ouvriers ont sombrés dans l ‘underclass. Dans ce monde de la précarité, lutte de classes, lutte de races et lutte de crasses se mélangent, situations que la gauche déteste et refuse de voir en face; la droite sécuritaire, le gouvernement de la peur peuvent en profiter, sur un discours proche de l’extrême droite.

 

Les mouvements sociaux et les plans de sauvetage de la sécu, de l’école, de la santé de suivent sans résultat notable. Les réformes sont à peine appliquées que de nouvelles fissures apparaissent. La classe des propriétaires ne veut plus se retrouver avec des pauvres; elle ne supporte plus que ses enfants se retrouvent dans une école avec des « boulets ».

 

 

QUELQUES PISTES POUR UNE CONTRE-OFFENSIVE

 

Depuis le déclin du communisme, seule l’écologie a su trouver un bon angle culturel et idéologique pour déstabiliser le capitalisme productiviste. Son « secret » est très ancien: une antique tradition contraignait la nouvelle institution à prouver son « caractère naturel » pour être agréée par la communauté. Les pollutions, les déchets, l’épuisement des ressources, puis l’offensive contre le réchauffement climatique ont fortement sapé la confiance dans le productivisme et dans une conception consumériste du progrès.

Mais, l’écologie politique a subi un échec relatif dans sa tentative de relier l’écologique et le social. Les idéologies social-darwiniste, malthusienne, sécuritaire et autoritaire, qui soutienne l’ultralibéralisme sont toujours dominantes.

 

Certes, la nouvelle responsabilité planétaire de l’Homme est, sera une composante importante de l’indispensable renouveau culturel, mais l’idéologie dominante l’intègre comme un simple supplément voire une simple conséquence d’une libre circulation des capitaux et des marchandises. Cette offensive du capitalisme vert a laissé l’écologie politique sans voix. Il aurait peut être fallu rappeler qu’après 68, même les lessives étaient devenues « révolutionnaires « . Le renouveau culturel doit aller bien au-delà de la conscience écologiste pour tenter maîtriser la société de l’immatériel, de l’information et des services.

La société de l’information pose des problème dérangeants à nos cultures, notamment une authentique révolution dans les liens sociaux.

Les crises actuelles signent les déclin des idéologies dominantes; l’individualisme méthodologique et l’utilitarisme sont d’aucune « utilité », et encombre l’esprit des chercheurs. Les produits de la modélisation n’expriment plus que les idéologie qui les sous-tendent, à défaut d’un quelconque rapport avec la réalité (cf Institutions sociale, Emergence des institutions).

Le social darwinisme appliquant aux hommes les lois générales de l’évolution du monde vivant, néglige les facteurs proprement humains, du langage, de la culture, du lien social. Appliquant, contre Darwin, une vulgaire loi du plus « fort », conseillant aux communautés de se détacher de leurs « boulets »,pour rentrer dans la bataille de la concurrence. L’expérience de la République française des trente glorieuse et de l’Allemagne montre une promotion des plus faibles par l’effort culturel et le lien social, participant à la promotion collective de ces nation. Avant de tenter de faire des Etats-Unis un contre-exemple, il importe de mesurer l’importance de la morale sociale américaine qui incite fortement à donner du travail à tous ceux qui veulent travailler.

 

« Rien dans l'univers ne saurait résister à un nombre suffisamment grand d'intelligences groupées et organisées ».

(Teilhard de Chardin)

 

Plutôt que de s’entêter sur une conception biologique individualiste et, ou raciste, il serait plus productif de se concentrer sur les qualités et les défauts de ces morales sociales, et des capacité des modèles politiques à s’adapter au processus de la mondialisation et de construction de grandes régions.

 

L’espace de ce combat est vaste, sinon mondial; disons, au minimum l’Europe et les Etats-Unis. Il serait illusoire de viser une culture universelle; Les bases scientifiques sont trop faibles dans de nombreux domaines pour restructure profondément les cultures nationales, les civilisations. La raison profonde semble résider dans l’absence de passage direct entre les institutions scientifiques et les institutions sociales (Institutions sociale, Les infidèles en déroute?)

 

Il est difficile d’affirmer que la faiblesse des institutions internationales en découle; mais cette faiblesse est évidente et aucune évolution rapide n’est prévisible, ni même souhaitable sous la forme d’une deuxième offensive globalisatrice.

L’orientation visera, en suivant Habermas, la construction d’une coordination interrégionale; certains états ayant la taille suffisante pour se constituer en région.

Les conditions semblent propices à une offensive culturelle, personnaliste, sociale et écologique, assez puissante pour reléguer à leur juste place les institutions ultralibérales.

 

SOCIETE DE L’INFORMATION ET ANTHROPOLOGIE

 

Les « particules élémentaires », ou individus, sont gouvernées, dans une large mesure, par des institutions encodeuses d‘informations, économiques et politiques, lesquelles classent et casent lesdites particules. Ceux qui seront classés et casés pourront bénéficier de la distribution de masse des utilités. Le rapport dirigeant/dirigé devient un rapport pompeur /pompé. La grande majorité des individus acceptent avec une étrange docilité leurs classements et leurs cases.

Les réseaux sur le nets sont-ils constitutifs de néo-liens sociaux? La société de l’information supprime massivement les contacts physiques, remplacés par des distributeurs, des boites vocales, caisses automatisées etc..

Les dirigeants ne veulent plus voir les dirigés, le système informatique suffira pour guider les tête et les mains; suivez les icônes et les flèches!

Nous avons affaire à un changement sans précédent des comportement de l’homme domestiqué.

 

EST-CE BIEN NATUREL ?

 

« Un nouveau rapport au savoir est esquissé ici, puisque chacun doit se soumettre à sa force d’attraction mais accepter qu’individuellement son savoir est obsolète dès lors qu’il est acquis puisqu’il peut être codifié, transformé en information binaire et ainsi circuler sur les réseaux. La demande est à la plasticité et à la flexibilité; il s’agit pour chacun de se percevoir comme un être « apprenant », capable de remodeler sans cesse ses savoirs comme son système immunitaire et capable d’apprendre à lutter contre les invasions microbiennes à l’aide des vaccins15 (E. Martins, 1994). Le rapport au monde proposé par de telles visions éducatives n’est plus celui de la socialisation de la personne à un monde qui peut être remis en question; c’est celui de la disciplinarisation permanente de soi pour adhérer au monde extérieur.

 

Les capacités d’« apprendre à apprendre » et de d’accepter de le faire « sa vie durant » deviennent les compétences centrales d’une société où le savoir et l’information sont diffus, fluides et fuyants, puisqu’ils circulent sur les réseaux et n’appartiennent plus en propre aux individus. On peut parler ici de dissimilation, de « vaporisation » pour reprendre les termes de Pascal Ragouet (2002), du savoir et de la connaissance. Appartenant à tous, ils n’appartiennent à personne et les individus sont les supports nodaux de la circulation. Ce qui compte est ce qui transite et ce qui lie (délie ou relie autrement si l’on pense en termes de lien social) et non ce qui est relié.

 

C’est dans cette perspective que l’ensemble des structures de formation se transforme insistant sur l’activité des élèves et la maîtrise des outils de cette « nouvelle ère », les TIC »

Farinaz Fassa

ress.revues.org

 

Ce n’est évidemment pas un luxe de relier l’indispensable offensive culturaliste au but de la réforme du socle social, la construction des personnes, la conscientisation pour reprendre l’expression de la gauche chrétienne.

Des tendances totalitaires, des risques graves de dérives de la société de l’information, existent particulièrement dans l’organisation du travail en systèmes verrouillés et d’une façon plus générales dans de nombreux secteurs de l’économie; à l’opposé des forces anarchiques et critiques se développent fortement dans les usages privés du net.

Les populations les plus pauvres, faiblement entré dans le monde de l’écrit, vivent sous la grave menace d’une exclusion sans précédent. La société industrielle, dernière grande institution organique du monde de l’écrit, avait laissé subsister certaines forme de learning by doing, de l’apprentissage forts utiles pour insérer la partie la moins scolarisée du monde du travail manuel. 

 

. « Le projet d’automatisation intégrale reste aporétique tant qu’il inverse les rapports de production de l’information et risque de substituer les nouvelles technologies aux vertus fondamentalement humaines. »(érudit.org)

 

Toutefois, quelques difficultés peuvent être levées en déparant rigoureusement ce qui est évolution scientifique et technique et ce qui est présupposé idéologique (concernant la modélisation, cf : IS, Emergence des institutions)

 

Les institutions scientifiques et les institutions sociales sont toujours séparées par un fossé, sans passage aisé des unes aux autres. Mais, l’application sans limites et sans discernement de toutes les nouveautés scientifiques détruit progressivement toute morale et par là tous les fondements des institutions sociales.

 

La gauche doit donc, par son offensive culturelle, rallier une fraction significative des savants, ingénieurs, cadres et techniciens, afin qu’ils contribuent au renouveau moral, indispensable base de la régulation, tant des marchés que de la société de l’information.

 

Une lutte efficace contre la pauvreté et la restauration est conditionnée par l’émergence d’une avant-garde issu des rangs des intellectuels et des classes moyennes supérieures. Il convient d’amplifier et de muscler le débat pour faire sauter les pôles de résistance encore assez puissants dans le monde de la physique et des mathématiques.

En effet, un rapport de force conséquent est nécessaire pour remobiliser une classe moyenne actuellement gouvernée par la peur de la précarité, de la pauvreté et de l’insécurité.

La rupture avec l’ultralibéralisme devra être nette et majoritaire, car les moyens à mettre en œuvre pour transformer le « boulet des classes inférieures » en un avantage économique et politique réel, sont considérables.

Pour que les peuples retrouve la foi dans la promotion sociale, dans l’école, dans la protection sociale, un changement majeur, culturel, politique et économique est indispensable; il suffit d’être lucide sur le niveau d’effort, particulièrement financier, pour s’en convaincre. Cacher ou évoquer faiblement ces réalités aux électeurs conduirait à l’échec.

En appeler à un new Welfare, comme le fait Paul Krugman, est déjà ambigu, car cela évoque un retour possible à l’argent facile, à l’inflation, au crédit, typique du Welfaire et des Trente glorieuses. Or rien n’indique le monde dans lequel nous vivons puisse aller dans ce sens.

De plus le coût d’une telle politique dans nos sociétés assez largement multiculturelles sera plus important qu’à ces époques déjà presque lointaines.

Mais, comme disait Gramsci, « savoir est pessimisme, optimisme est volonté».